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Justine Masika Bihamba (Crédit Photo : Maud Sarano)

Droits de l'homme: Entrevue de la militante congolaise Justine Masika Bihamba

République Démocratique du Congo
« Lorsqu’on viole tout un village, c’est pour détruire. » 

La militante congolaise Justine Masika Bihamba lutte pour la protection des femmes dans la province du Nord Kivu, en République Démocratique du Congo (RDC), un pays en guerre depuis 20 ans. Elle y a fondé le collectif la Synergie des Femmes pour les Victimes de violences Sexuelles (SFVS) en 2002, et depuis, son engagement lui valu de nombreuses menaces. Au point où elle a dû s’exiler en Europe en 2012 et 2013. Elle est finalement revenue s’installer à Goma, la capitale du Nord Kivu, après avoir négocié un compromis avec le gouvernement. Sans Frontières l’a rencontré à Valence, en France, où elle était invitée dans le cadre de l’exposition Femmes en résistance, organisée par le fondateur de l’association Femme ici et ailleurs, le photojournaliste français Pierre-Yves Ginet.

Par Maud Sarano

Pouvez-vous nous décrire la situation géopolitique actuelle dans la région du Nord Kivu?

La situation actuelle est catastrophique. Il est dit que la RDC est en « post-conflit », mais nous, nous sommes encore en guerre. Dans la province, il y a plus de 30 groupes armés actifs, des groupes étrangers et nationaux. De plus, nous devrions avoir des élections législatives nationales et provinciales et même des présidentielles en novembre, ce qui renforce l’instabilité. Mais jusqu’à présent, nous n’avons pas de fichier électoral. Je ne sais pas comment nous allons mettre en place des élections. Les autorités en place ne veulent pas les organiser. Si tu oses en parler, tu as des problèmes : on t’arrête. Il y a une répression des manifestations. De nombreux défenseurs des droits de l’homme et membres de l’opposition sont arrêtés. La situation est difficile pour tout le monde. C’est compliqué dans tout l’est de la RDC.

En tant que fondatrice du collectif la Synergie des Femmes pour les Victimes de Violences Sexuelles (SFVS), comment qualifiez-vous la place occupée par les femmes dans la société congolaise? Pouvez-vous nous expliquer les raisons qui sous-tendent que l’armée nationale et les différents groupes armés utilisent le viol comme arme de guerre?

La femme est une personne de second rang dans notre système patriarcal. Elle n’est pas vue comme l’égale de l’homme. C’est un problème! Nous faisons des sensibilisations et mobilisons tout le monde. Nous leur présentons les textes juridiques nationaux et internationaux qui reconnaissent le droit des femmes. Je ne peux pas dire que la situation n’a pas évolué depuis 2002, les populations comprennent le rôle que peut jouer une femme au sein de leur communauté. Concernant le viol, je dirais qu’ils ne violent pas pour un plaisir sexuel, mais pour détruire. Lorsqu’un homme de 30 ans viole une fillette de 10 mois, c’est pour détruire. Lorsqu’on introduit des objets pointus dans les organes génitaux des femmes, c’est pour détruire. Lorsqu’on viole tout un village, c’est pour détruire. C’est ça le problème!

Comment se sentent les victimes qui viennent se confier à votre collectif ? Et quelles sont les conséquences de ces actes, qui demeurent souvent impunis, sur la société congolaise?

Lorsque la victime arrive, elle ne veut plus vivre. Elle dit « on m’a détruite. On m’a tué. Je n’ai même pas envie de vivre. » Mais avec notre accompagnement, elle change d’opinion [et dis] « je suis une personne à part entière et je dois me battre ». La moitié de mes collègues sont des victimes qui se sont battues et qui sont devenues actrices du changement. Je leur dis toujours que nous faisons un travail énorme avec peu d’argent : arriver à donner de l’espoir à une personne désespérée est déjà un succès. La punition des auteurs de violences sexuelles reste un défi majeur. En RDC, il y a beaucoup de problèmes pour accéder à la justice. D’abord, un problème financier, car la justice congolaise est payante. Ensuite, un problème de corruption – les autorités ou les personnes hautement placées sont intouchables. Nous, et d’autres organisations de la société civile, nous nous battons pour faire arrêter les violeurs. Mais une fois en prison, ils sollicitent la liberté provisoire et partent. Les gens voient qu’untel a commis un délit sexuel sans être inquiété. De ce fait, d’autres violent, puisqu’ils savent qu’ils ne seront pas punis ou menacés.

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