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Éthiques et Sociétés Communication

(Photo: ONU Info/Laura Quinones)

Éditorial: Mettons les enjeux climatiques au cœur du débat public

Le président de la Conférence de Glasgow sur le climat (COP 26), Alok Sharma, a terminé les négociations en pleurs. Outre un moment de tristesse certain, ces larmes résument symboliquement l’échec, encore une fois, de l’obtention d’un consensus contraignant qui forcera les grandes puissances – la Chine, les États-Unis, l’Inde, la Russie et le Japon, entre autres – à agir concrètement sur le changement climatique. Que ce soit en termes d’émission de gaz à effet de serre, d’élimination des énergies fossiles ou encore d’une réforme claire des bilans carbone.

Bref, les Conférences des parties (COP) se succèdent, et une impression de déjà-vu se dégage à chaque rendez-vous. Les photos officielles des dignitaires, l’arrivée de près de 200 délégations, les discours d’ouverture des leaders mondiaux qui promettent le « plus jamais ça », qui martèlent qu’il faut agir « maintenant ou jamais », qu’on assiste à la « COP de la dernière chance », etc.

Quelques heures avant-même les premières notes de cette COP 26, beaucoup dénonçaient déjà l’attitude des dirigeants occidentaux, lesquels ont remis le destin de l’humanité entre les mains de la chance en jetant une pièce dans la fameuse fontaine de Trévi à l’issue du sommet du G20 qui se tenait en Italie juste avant.

Alors que plupart d’entre eux détiennent les clés de la volonté politique qui mènera au changement réel. Le député européen français Raphaël Glucksmann a d’ailleurs dénoncé cette mascarade sur Twitter : « Cette image résume l’inversion des rôles à la lumière de la question climatique. Les gens censés incarner le sérieux (les dirigeants en costume) s’avèrent comiques, quand ceux qui sont supposés être légers (“on n’est pas sérieux quand on a 20 ans”) prennent la crise au sérieux… »

Dans la même veine, le pape a invité le 31 octobre à prier pour le succès de la COP26. Et le président américain Joe Biden a conclu son discours d’ouverture en s’en remettant à la religion, avec un : « Que Dieu vous bénisse tous et puisse-t-il sauver la planète ».

Plutôt décourageant.

L’humanité devra donc patienter. Certains attendront à l’air climatisé, alors que d’autres étouffent déjà. Mais au moins, reconnaissons-le, ces COP existent. Outre le désastreux bilan carbone de ces rendez-vous – pas moins de 400 jets privés ont atterri à Glasgow –, ils permettent à des individus engagés, aux associations et organismes et militants écologistes d’être visibles dans l’espace public. Et parfois même d’être pris en compte dans le débat public.

Par des discours, mais surtout par des actions symboliques, cette part de la société civile permet, lors d’une minuscule fenêtre d’une quinzaine de jours, de faire valoir la position du plus grand nombre dans l’espace médiatique mondial. Elle permet également de toucher un public plus jeune, déjà aux prises avec une anxiété écologique que leurs parents ne prennent pas encore au sérieux.

Pour éviter d’attendre en vain Godot, d’espérer un « miracle » de la part des leaders mondiaux qui n’ont en tête que leur prochaine réélection, certains prennent les devants. L’événement Youtopia du 5 novembre, par exemple. La plateforme YouTube a alors organisé 14 heures de diffusion en direct afin d’aborder des thèmes environnementaux en présence de personnalités comme l’aventurier Mike Horn, le réalisateur et militant français Cyril Dion ou encore des youtubeurs aux millions d’abonnés comme Henry Tran.

Si les jeunes générations sont autant sensibilisées à ces questions, c’est aussi parce qu’ils vivront davantage d’événements climatiques extrêmes : inondations, tornades, smog, canicule... Selon l’étude « Inégalités intergénérationnelles dans l’exposition aux extrêmes climatiques », publiée le 26 septembre dans la revue Science, les personnes nées en 2020 connaîtront non seulement une trentaine de vagues de chaleur au cours de leur vie – sept fois plus que leurs grands-parents –, mais également deux fois plus de feux de forêt et de sécheresse et trois fois plus d’inondations et de mauvaises récoltes que leurs aînés.

Selon les modélisations les plus pessimistes de cette étude, les inégalités entre les différentes régions du globe se feront encore davantage ressentir. D’un côté, 53 millions d’enfants d’Europe et d’Asie centrale nés entre 2016 et 2020 subiront quatre fois plus d’événements météorologiques extrêmes dans leur vie. De l’autre, 172 millions d’enfants d’Afrique subsaharienne en connaîtront près de six fois plus!

Ce sont nos enfants, nos petits-enfants. Nous leur avons emprunté cette Terre et nous leur rendons dans un état suffoquant.

Certes, ce ne sont pas nos douches froides qui enrayeront le continuum du changement climatique dans lequel nous sommes collectivement coincés. Bien que la responsabilité individuelle puisse faire partie de la solution et devenir une variable pertinente, elle ne résoudra pas la question climatique. Surtout si on la compare à la responsabilité des 20 plus grandes multinationales émettrices, par exemple, qui sont sources d’environ 35 % de l’ensemble des émissions de gaz à effet de serre depuis 1965.

Rappelons-nous : notre économie mondiale, nos modes de production, nos modes de vie et de consommation ont rapidement été transformés en profondeur par la pandémie. Il est donc possible de prendre des décisions contraignantes et efficaces et de faire bouger des choses qui apparaissaient immuables en peu de temps. Nos dirigeants, acculés au pied du mur sanitaire, l’ont fait en mars 2020.

Et si eux ne le font pas pour nous, faisons-le, à notre échelle, pour nos enfants. Sensibilisons, médiatisons, parlons régulièrement des questions climatiques… Donnons-leur la place qu’ils méritent dans le débat public.

Zora Ait El Machkouri
Directrice de l’information

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