Dossier spécial: La Russie joue ses cartes en Afrique (1/2)
Par Jean-François Venne
La Russie pèse de plus en plus lourd sur le continent africain. Son approche musclée en Syrie et en République centrafricaine — où elle a permis à des autocrates de se maintenir — séduit des régimes en mal de stabilité. Les populations locales risquent d’en subir les conséquences.
Dans les années 1950 et 1960, l’Union soviétique — tout comme la Chine — voyait dans les luttes contre la colonisation une occasion rêvée de se tailler une place dans les affaires du continent africain, aux dépens des pays occidentaux. Elle y a appuyé des mouvements de libération nationale dans plusieurs États, dont l’Algérie et l’Angola, ainsi que des groupes armés antiapartheid en Afrique du Sud.
Ces relations se sont distendues après la chute de l’Union soviétique en 1991. L’intérêt de Moscou envers l’Afrique est réapparu au milieu des années 2000, notamment avec la visite de Vladimir Poutine en Afrique du Sud, pour redoubler après 2014. La Russie se retrouvait alors sous le coup de sanctions économiques en raison de l’annexion forcée de la Crimée et cherchait de nouvelles avenues pour commercer et obtenir des matières premières. En octobre 2019, elle actait son retour sur le continent africain en accueillant une quarantaine de dirigeants africains au Sommet Russie-Afrique de Sotchi.
Des objectifs stratégiques
« La Russie a su saisir certaines occasions ponctuelles, mais ses actions s’inscrivent dans un cadre stratégique qui dépasse le simple opportunisme et vise des objectifs géopolitiques et idéologiques », affirme Joseph Siegle, directeur de la recherche au Africa Center for Strategic Studies de la National Defense University, à Washington.
Sur le plan géopolitique, le régime russe souhaite établir des ancrages sur les rives de la Méditerranée et de la mer Rouge. Vladimir Poutine tente depuis longtemps d’installer des bases navales en Libye et au Soudan. Cela lui permettrait de projeter sa puissance maritime sur le flanc sud de l’Organisation du traité de l’Atlantique Nord (OTAN) et même de menacer la circulation du canal de Suez, où transite environ 12 % du commerce mondial.