Cameroun: l'ONG WWF accusé de « violation des droits de l'homme » par Survival International
L’Organisation de coopération et de développement économiques (OCDE), qui regroupe les 35 pays industrialisés de la planète, a jugé recevable le 6 janvier une plainte déposée contre l’ONG de protection de la nature, mise en cause pour des violences à l’encontre des Baka.
L'ONG Survival International, qui défend les droits des peuples autochtones, a ainsi déposé plainte à l’OCDE contre WWF, le fonds mondial pour la nature, en mettant en cause les agissements de ses patrouilles anti-braconnage contre les peuples de l’ethnie Baka dans les forêts protégées du sud-est du Cameroun.
Les experts de l’OCDE en Suisse, où se trouve le siège de la puissante ONG de conservation, ont donc jugé recevables les accusations portées par Survival. Celles-ci sont rassemblées dans un rapport remis en février 2016 à l’OCDE qui s’appuie sur des témoignages de Baka et dénonce les violences corporelles, les menaces, les humiliations et la destruction des campements subis par ces chasseurs-cueilleurs.
Entre 2001 et 2014, une trentaine de cas ont été documentés, mais des incidents ultérieurs sont également rapportés.
Le WWF a joué un rôle central dans la création des trois aires protégées – Lobeke, Boumba Beck et Nkié – dans cette région du sud-est du Cameroun où vivent les Baka, rappelle Survival. Il a appuyé le gouvernement camerounais dans l’élaboration des plans de gestion de ces aires protégées et formé les groupes d’écogardes. Sans l’argent de l’ONG, qui assure pour une large part le budget de fonctionnement des réserves avec les salaires des écogardes comme dans d’autres pays d’Afrique centrale, celles-ci n’auraient pas vu le jour, affirme Survival.
L’ONG reproche à WWF de ne pas avoir obtenu l’« accord libre, préalable et informé » des Baka pour la création de ces réserves sur leurs terres ancestrales, comme l’y oblige la déclaration des Nations unies sur les droits des peuples autochtones.
Les Baka, qui sont le plus souvent désignés sous le terme de « pygmées », vivent dans les forêts humides du sud-est du Cameroun au moins depuis le XIXe siècle. Ils seraient entre 40 000 et 70 000 et dépendent entièrement des ressources forestières pour leur subsistance. Chaque clan dispose de droits sur une partie de la forêt qui lui permettent de chasser, de pêcher et de collecter des fruits et d’autres ressources. Le découpage des trois parcs nationaux et l’existence des zones tampons qui les entourent sur plus d’un million d’hectares ont conduit à leur éviction.
WWF ne nie pas qu’il y ait eu des exactions de la part des écogardes chargés de protéger la faune vivant dans ces parcs. Dans un communiqué, l’ONG suisse se défend toutefois d’avoir contribué à la marginalisation des Baka.
« Depuis plus de vingt ans, nous faisons de notre mieux pour protéger les forêts et la faune qui sont vitales à la survie des Baka. La protection des droits des communautés a toujours été et reste notre priorité », affirme Frederick Kumah, directeur pour l’Afrique de l’organisation.
WWF participe actuellement à un audit sur la conduite des écogardes mené par le ministère des forêts.
(Source: Le Monde Afrique)