Dossier spécial: Entrevue exclusive de la ministre Marie-Claude Bibeau
« Je crois profondément que les femmes doivent être protégées et éduquées »
Marie-Claude Bibeau, ministre canadienne du Développement international et de la Francophonie
Depuis le 4 novembre, le Canada a une nouvelle ministre du Développement international et de la Francophonie : Marie-Claude Bibeau. Sans Frontières s’est entretenue avec celle qui a commencé sa carrière à l’Agence canadienne de développement international (ACDI), entre autres au Maroc et au Bénin, et qui est aujourd’hui députée libérale de Compton–Stanstead, au Québec.
Propos recueillis par Benoîte Labrosse
Vous avez lancé le 18 mai des Consultations sur l’Examen de l’aide internationale du Canada. Pourquoi avoir décidé d’interpeler la population à ce sujet?
Mon mandat est de recentrer l’aide internationale sur les personnes les plus pauvres, les plus vulnérables et sur les États fragiles. Dans ce contexte, il faut quand même prendre le temps de faire l’état de la situation et de regarder où sont les forces et les avantages comparatifs du Canada. Tout cet exercice, je l’ai déjà amorcé avec les grandes organisations dès que j’ai commencé mon mandat, car j’ai eu l’occasion de faire plusieurs tables rondes avec les ONG canadiennes et internationales, avec les gens qui dirigent les différentes agences des Nations unies, avec mes homologues dans les pays donateurs et dans des pays bénéficiaires aussi… Donc la réflexion a déjà été entamée, et nous voulons la pousser plus loin.
Actuellement, 25 pays reçoivent de l’aide bilatérale du Canada. Est-ce que certains États africains qui ont été cavalièrement retirés de la liste des pays ciblés par le précédent gouvernement conservateur de Stephen Harper en février 2009 et n’y ont pas été réintégrés depuis – le Cameroun, le Rwanda et le Niger, par exemple – peuvent espérer y faire un retour au cours de votre mandat ?
La révision des pays de concentration ne fait pas partie de la consultation spécifiquement, mais elle fait partie de la revue des politiques : il y a un comité parlementaire qui travaille sur le sujet en ce moment. Je crois qu’en termes de bonnes pratiques, il faut faire attention de ne pas faire du saupoudrage, donc il faut avoir une stratégie qui est organisée. Les pays de concentration s’appliquent strictement à l’aide bilatérale et ça représente à peu près le tiers de l’aide officielle au développement. C’est sûr que les gens leur portent beaucoup d’attention, mais il y a bien d’autres façons et d’autres mécanismes qui vont nous permettre de nous ré-engager de façon plus significative en Afrique.
D’ailleurs, le 23 mai, vous avez profité du Sommet mondial sur l’action humanitaire à Istanbul, en Turquie, pour annoncer un apport canadien de 274 M$ en aide humanitaire, dont 125 M$ au Programme de protection des moyens de production de l’Éthiopie entre 2016 et 2021. Pourquoi octroyer une aussi grosse somme à ce pays en particulier?
Parce que l’Éthiopie fait vraiment face à une famine extrêmement importante. Et puis, avec les changements climatiques, nous anticipons que les sècheresses risquent d’être plus fréquentes, donc il ne faut pas simplement nourrir les gens au jour le jour, il faut trouver des mécanismes qui vont leur permettre d’être plus résilients, d’être plus autonomes et moins dépendants des banques alimentaires.
Vous portez le double titre de ministre du Développement international et de la Francophonie. Les Canadiens doivent-ils voir une volonté de renverser la vapeur alors que plusieurs observateurs – dont l’ancien porte-parole de votre parti en matière d’affaires étrangères Bob Rae, dans nos pages – estimaient que le gouvernement conservateur délaissait volontairement les pays francophones, principalement en Afrique?
J’ai un intérêt particulier pour les pays de la Francophonie. Il va certainement en avoir un certain nombre dans la liste des pays de concentration. Au-delà de ça, je travaille aussi sur le développement d’une stratégie pour la Francophonie qui va concerner en grande partie les pays en développement de la Francophonie. J’ai aussi le souhait d’élargir nos actions dans la Francophonie internationale, pas exclusivement au niveau du développement.
Vous avez récemment affirmé que vous vouliez « examiner ce qu’Ottawa pourrait faire de plus afin d’aider les populations touchées par les activités de sociétés minières canadiennes dans les pays en voie de développement », dont plusieurs se trouvent en Afrique. Qu’entendez-vous faire différemment de vos prédécesseurs dans ce domaine?