Solidarité: Fabriquer des voitures à Madagascar grâce à des fripes françaises
À Fianarantsoa, au sud-est de Madagascar, une entreprise à but socio-économique rachète des vêtements issus de dons français pour les revendre à des marchands de fripes locaux. Les bénéfices du centre de tri textile ont permis au Relais Madagascar de développer progressivement cinq autres activités à la fois génératrices d’emplois et porteuses d’utilité sociale. Parmi elles figure la fabrication d’un véhicule tout terrain « made in Madagascar ».
Par Marie Tarteret
Derrière l’imposant portail métallique, la petite usine est en effervescence : ouvriers et ingénieurs préparent la sortie d’un nouveau modèle de véhicule. Nous sommes à Fianarantsoa, une ville de 180 000 habitants située à 400 kilomètres au sud d’Antananarivo, la capitale de Madagascar. Ici, tout le monde connaît la Karenjy, la marque automobile qui fait la fierté des Malgaches. Et pour cause : il s’agit de l’unique fabricant de voitures en Afrique. Seul le moteur est importé. Le châssis, la carrosserie, les éléments électriques et l’intérieur du véhicule sont fabriqués et assemblés à Fianarantsoa.
Ici, les robots n’ont pas encore remplacé les hommes. Soixante-dix personnes conçoivent à l’heure actuelle la Mazana 2, un 4X4 tout terrain spécialement imaginé pour Madagascar. « C’est un véhicule robuste. Il est conçu pour résister à l’eau, à la poussière, mais aussi au mauvais état des routes », indique Luc Ronssin, le gérant du Relais, l’entreprise à but socio-économique dont dépend l’usine.
Pour le moment, la production de Karenjy reste confidentielle, car depuis son ouverture en 2010, l’usine a fabriqué seulement 80 véhicules. Sauf qu’avec l’arrivée de la Mazana 2, la production va s’accélérer, et les anciens modèles ne sont désormais plus fabriqués pour laisser toute la place au nouveau 4X4. « Vingt voitures vont voir le jour cette année. Notre objectif est de produire 100 véhicules par an à partir de 2018 », précise M. Ronssin. D’ici fin 2017, une centaine de personnes supplémentaires devraient être embauchées pour y parvenir.
Une ambition impressionnante si l’on considère que ce projet est basé… sur des dons de vêtements venus de France. D’abord par l’entremise de l’association Emmaüs, puis par celle de l’entreprise d’économie sociale et solidaire le Relais, qui gère la filière textile de l’organisation caritative. Après un premier tri, une partie de ces vêtements est rachetée par l’antenne du Relais à Madagascar, où elle est acheminée vers un centre de tri mis sur pied en 2008 et qui emploie une centaine de personnes. La fripe y est classée selon son type et son degré d’usure, puis revendue sous forme de ballots à des marchands à travers tout le pays. Aujourd’hui, les vêtements qui transitent par le centre de tri de Fianarantsoa constituent 40% du marché malgache de l’habillement. Ce sont les bénéfices associés à cette activité qui ont permis la création de l’atelier de construction automobile Karenjy en 2010.
Par la suite, d’autres activités génératrices de revenus se sont également développées au Relais Madagascar. À quelques mètres de l’usine de voitures, le premier étage d’un autre bâtiment accueille un atelier de couture. « Une partie des vêtements qui nous arrive de France est parfois légèrement déchirée, explique Luc Ronssin. Au lieu de jeter ces habits, nous avons eu l’idée de nous en servir pour recomposer d’autres vêtements. C’est comme ça que l’activité de couture a vu le jour en 2009. » Une robe faite d’un assemblage de cravates multicolores accrochée sur un portant de l’entrée y accueille les visiteurs.