Droits humains: la dure réalité des détenus sénégalais
Fin août 2019, deux jeunes âgés de 18 et 19 ans ont péri des suites d’une électrocution cérébrale dans l’enceinte de la prison de Rebeuss, le lieu de détention le plus populeux de la capitale sénégalaise, Dakar. Le tragique événement a provoqué une onde de choc jusqu’en France. La Ligue Sénégalaise des Droits Humains (LSDH) et Amnistie Internationale Sénégal ont immédiatement appelé à une enquête en profondeur pour éclaircir les circonstances de leur mort et dresser le tableau des lieux de détention ainsi que des droits des détenus au pays de la Teranga. Sans Frontières en a discuté avec le secrétaire général de la LSDH, Alassane Seck.
Par Hélène Boucher
« Je suis ni juriste ni avocat, mais mon âme est défenderesse et syndicaliste par nature. Je hais l’injustice ! », clame le secrétaire général de la Ligue Sénégalaise des Droits humains depuis 2014 Alassane Seck. Dans le quartier dakarois de Médina, non loin de la prison de Rebeuss, son association est établie à même sa demeure et œuvre auprès de trente membres engagés. Auparavant, cet informaticien de profession a travaillé durant vingt ans au sein de la réputée Rencontre africaine pour la Défense des droits de l’Homme (RADO).
Selon M. Seck, la mort des deux jeunes détenus en août traduit dramatiquement deux tares du milieu carcéral sénégalais en matière de droits humains fondamentaux : la surpopulation et la vétusté des infrastructures. On dénombre à la prison de Rebeuss 2700 détenus – sur un total évalué à 10 000 dans l’ensemble du pays –, dans un édifice conçu pour un maximum de 800 individus, construit en 1926 et jamais rénové depuis. « Rebeuss est l’impensable, point », résume-t-il.
Selon son analyse de la situation, les circonstances de l’accident de cet été sont irréfutablement liées au délabrement structurel de l’établissement. Les deux détenus décédés – accusés d’un délit mineur de vol – étaient installés dans les couloirs de la prison en attente de leur procès. Un ventilateur est tombé sur le lit superposé en fer dans lequel ils se trouvaient, provoquant l’impact fatal. Comme leur tête était adossée à la tête du lit en fer, le choc leur a brûlé le cerveau, relate le secrétaire général de la LSDH. Une bousculade entre les prisonniers s’en est immédiatement suivie dans le bloc de détention. Le responsable de l’association souligne toutefois qu’il faut prendre avec un grain de sel des images de Rebeuss qui circulent sur le Web, car les amoncellements d’individus qu’elles représentent résultent souvent de montages photographiques, manipulations faites par, selon lui, certains groupuscules désorganisés qui n’aspirent qu’à déstabiliser l’ordre public et qui diffusent leur propagande sans la revendiquer.
Après avoir pris part à l’évaluation des lieux de détention de l’ensemble du pays, à Diourbel, Ziguinchor, Sedhiou, Kolda et Mbacké, M. Seck estime l’occupation des cellules de la prison de Rebeuss à 200 personnes par pièce, pour une seule toilette. Par comparaison au camp pénal Liberté 6, dans le quartier dakarois de Grand Yoff, 60 détenus se partagent deux toilettes, ainsi que quelques matelas et nattes de fortune.