Éditorial: L'expertise québécoise et le nouvel ordre mondial
Les perspectives internationales n’ont jamais été aussi ombrageuses – pour ne pas dire orageuses – depuis la fin de la Seconde Guerre mondiale. L’optimiste contemporain, s’il existe encore, ne s’appuie probablement pas sur une vision globale des forces et des enjeux géopolitiques qui se jouent aux quatre coins de la planète. La multiplication des facteurs de risque laisse en effet présager de nécessaires changements de paradigmes, qu’ils soient environnementaux ou de gouvernance politique, économique, démographique… Reste à savoir de quel côté la balance va pencher. Et encore faut-il qu’il n’y ait que deux côtés possibles.
Les modèles de lecture du monde jusqu’ici connus ne résistent pas à l’abondance de contextes et de cultures présents sur chaque continent, et ne pas le voir serait s’aveugler volontairement. Une tendance commune tend cependant à se généraliser : le repli sur soi comme mécanisme de défense face au monde mouvant. Un acte qui englobe intrinsèquement le rejet de l’autre, se faisant le lit des inégalités. Ironiquement, cette volonté de s’isoler trouve écho sur les réseaux sociaux, qui participent à son s’amplification. Ainsi, les libertés et droits fondamentaux viennent s’effriter chaotiquement sur le roc de l’individualisme et du renoncement aux valeurs universelles, qui se solidifie chaque jour.
Nous sommes aujourd’hui dans un monde qui tombe en ruines. Tout est à réinventer. Et malheureusement, ce sont les tendances populistes et extrémistes qui tirent leur épingle du jeu en agitant un épouvantail apocalyptique, au détriment des forces progressistes.
Il ne s’agit pas là de trouver un remède miracle aux maux contemporains. L’humanité est assez vieille pour comprendre que l’histoire a la fâcheuse tendance de se répéter. L’essentiel est ici d’apprendre à lire ce qui nous entoure au-delà de ce qui nous touche directement, de tenter de développer une grille de lecture et de compréhension pour éviter de renoncer à vouloir déchiffrer le monde et de s’en isoler à son tour.
Renoncer à s’informer est en effet la voie de la facilité face à l’effort de s’ouvrir et d’essayer de saisir les subtilités des relations internationales. Pourtant, en termes de recherches et d’analyses des enjeux mondiaux, le Québec n’a rien envier aux autres sociétés de savoir occidentales. Comme l’avait compris l’homme politique et de droit Paul Gérin-Lajoie, le Québec a un rôle à jouer sur la scène internationale. C’est dans cette perspective que notre partenaire, l’Institut des études internationales de Montréal (IEIM), a mis en place les Rendez-vous annuels Gérin-Lajoie afin d’approfondir la réflexion sur le rôle de cette province dans le monde. Pour cette première édition, l’IEIM a entre autres accueilli la grande juriste québécoise Louise Arbour, qui livre dans nos pages sa réflexion sur les migrations internationales.
Dans ce numéro qui leur est fièrement consacré, d’autres experts québécois nous permettent de saisir quelques bribes de la complexité du monde, notamment à des « diplomates en résidence » de l’Institut qui donnent leur vision de la puissance chinoise qui se veut omnipotente, des problématiques structurelles qui guettent Haïti et des perspectives à envisager à la suite de la seconde vague de printemps arabes. Laissons-leur de soin de nous éclairer.
Zora Ait El Machkouri
Directrice de publication