Expertise québécoise: Où s'en va Haïti?
Bientôt dix ans qu’Haïti a été frappé par l’un des séismes les plus meurtriers de l’histoire de l’humanité, tuant plus de 225 000 personnes. Cette tragédie fut perçue comme une occasion unique de tout reconstruire sur de nouvelles bases. Le pays a-t-il su en profiter ?
Par Gilles Rivard
Avec des infrastructures publiques déficientes, des structures de gouvernance inadéquates, des constructions inadaptées aux cataclysmes naturelles et des systèmes de communications fragiles, Haïti d’il y a une décennie n’était même pas préparé à faire face à des ouragans qui frappent pourtant le pays presque tous les ans. À n’en pas douter, un tremblement de terre – phénomène alors inconnu de mémoire – y aurait été dévastateur. Toutefois, le séisme du 12 janvier 2010 le fut au-delà de ce que ses habitants pouvaient imaginer.
Revenons d’abord quelque peu en arrière. Même s’il avait souffert de plusieurs ouragans successifs quinze mois plus tôt, le pays s’en était relevé tant bien que mal, une fois de plus grâce à l’appui de la communauté internationale. À l’automne 2008, l’intervention rapide de la Mission des Nations unies pour la stabilisation en Haïti (MINUSTAH) avait grandement contribué à minimiser les pertes de vie. Quelques mois plus tard, le départ de cette mission de Casques bleus – lancée en 2004 dans la foulée du départ du président Jean-Bertrand Aristide – était même envisagé.
Les indicateurs économiques étaient tous au vert en 2009. La sécurité s’améliorait dans le pays. Le Canada et les États-Unis avaient investi des efforts considérables dans le renforcement du système de justice et de la Police nationale d’Haïti (PNH) à laquelle la population faisait de plus en plus confiance. En octobre, un important séminaire sur l’investissement organisé conjointement par la Banque interaméricaine de développement et le gouvernement du Canada avait aussi vu débarquer à Port-au-Prince près de 400 investisseurs potentiels. La présence de l’ancien président des États-Unis, Bill Clinton – qui appuyait activement la relance – y était pour beaucoup dans l’affluence de gens d’affaires provenant surtout des Amériques, mais également de l’Europe et de l’Asie. Constant très encourageant : plus de 80 % des visiteurs avaient une impression plus favorable du pays à la suite de ce séminaire qu’avant leur arrivée. L’année 2010 commençait donc sous le signe de l’optimisme, mais ce fut de très courte durée…
Le 12 janvier, à 16 h 53, Haïti a été frappé de plein fouet par un séisme qui a fait plus de 225 000 morts, 250 000 blessés et un million de déplacés en quelques minutes. Dans les jours et les mois qui ont suivi, le pays le plus pauvre de l’hémisphère nord a bénéficié d’un appui et d’une solidarité sans précédent de ses principaux partenaires : les États-Unis, le Canada, la France, sans oublier son voisin la République dominicaine, ainsi que de grandes institutions multilatérales (Union européenne, Banque mondiale, etc.). La résilience de la population haïtienne combinée aux efforts d’assistance post-séisme a permis d’atténuer les souffrances des sinistrés.
Comme ambassadeur du Canada à Haïti, j’avais développé une relation étroite avec le premier ministre de l’époque, Jean-Max Bellerive. Quelques semaines après le séisme, il m’avait dit : « Nous avons une occasion unique de construire ce pays sur de nouvelles bases. Nous ne devons pas échouer. » Ce qui l’affectait le plus était d’assister à l’exode des jeunes, qui espéraient trouver une vie meilleure sous d’autres cieux. « C’est l’avenir du pays qui nous quitte », disait-il en ajoutant que « les devoirs de la classe politique étaient de les ramener au pays dès que possible ». Je suis retourné à Port-au-Prince cinq ans après le séisme...
Gilles Rivard Gilles Rivard cumule 30 ans d’expérience en relations internationales. Il a été ambassadeur du Canada en Haïti de 2008 à 2010 et ambassadeur et représentant permanent adjoint du Canada auprès des Nations unies à New York entre 2010 et 2013. Il est spécialiste des questions concernant Haïti et Cuba. Il a récemment rejoint l’IEIM comme diplomate en résidence. |