Enfance: Assouvir la soif de jeu des enfants réfugiés
Le 11 mai, à Gaziantep en Turquie, plus de 250 enfants ont oublié pendant quelques heures la guerre qui fait rage en Syrie voisine. Ils étaient trop occupés à participer aux ateliers de musique, de danse, de percussions et de chants offerts par la fondation syro-québécoise Je veux jouer. Parce que de toutes les privations qu’une guerre impose aux enfants, celle du jeu est à la fois l’une des plus fondamentales et l’une des plus négligées par les intervenants d’urgence.
Par Benoîte Labrosse
« Quand j’ai visité des camps de réfugiés en 2013 à titre de bénévole, j’ai vu beaucoup d’enfants que les organisations pensaient seulement à loger, nourrir, et peut-être éduquer… Le jeu était totalement négligé, donc nous en avons fait notre mission », raconte l’acteur et réalisateur d’origine syrienne Chadi Alhelou, auteur d’une pièce de théâtre jeunesse qui a inspiré le nom de la fondation. Je veux Jouer a été présentée pour la première fois en juin 2015 au Théâtre de Quat’Sous, à Montréal.
« Quand la photo du petit Aylan échoué sur une plage a fait le tour du monde et touché l’imaginaire de la société québécoise [le 3 septembre 2015], nous avons décidé de travailler à redonner aux petits Syriens leur enfance en leur permettant de jouer, de s’amuser et de grandir comme tous les enfants du monde, malgré la guerre, poursuit sa compatriote Marya Zarif, conceptrice-scénariste, coauteure de la pièce et cofondatrice de la Fondation. L’idée, c’est vraiment de créer du bonheur et des sourires. »
« Nous [les cinq cofondateurs] avons réalisé que nous avions tous un cœur d’enfant et que nous étions très près du jeu : on dit que l’on joue au théâtre ou au cinéma, pas qu’on y travaille, fait remarquer Serge Thibaudeau, président-directeur général du Fonds Québecor (qui finance la production, la commercialisation et l’exportation de contenus audiovisuels). Malheureusement, souvent, nous divertissons des gens qui le sont déjà beaucoup… Alors que les réfugiés, surtout les enfants, ils ont un besoin vital de divertissement. » C’est pourquoi la grande fête du 11 mai, qui a clôt la troisième mission de la fondation à Gaziantep – où sont basés près de 400 000 réfugiés et plusieurs organismes qui travaillent dans les camps de Syrie, telles l’Organisation internationale pour les migrations et The Syrian American Medical Society – a aussi été l’occasion pour messieurs Thibaudeau et Alhelou de remettre un cadeau à chacun des enfants orphelins, handicapés, marginalisés dont s’occupent leurs partenaires sur le terrain.
Construire des terrains de jeux collaboratifs
Au printemps 2016, de nombreux artistes québécois, dont l’auteure Kim Thúy, l’animateur Charles Lafortune, la comédienne Guylaine Tremblay, la musicienne Ariane Moffat et l’humoriste Sugar Sammy, ont participé à la grande campagne médiatique de Je veux jouer. Celle-ci a permis de récolter des fonds, d’attirer de très nombreux bénévoles et partenaires, mais également de sensibiliser le grand public à leur cause. « Nous voulons faire parler des enfants de la crise syrienne de manière à ce qu’ils conservent leur dignité et une image positive, celle d’enfants comme tous les autres, remplis d’énergie et d’envie de vivre », résume Mme Zarif...