Environnement: Les spécificités africaines des préoccupations environnementales
Par Touwendé Roland Ouédraogo
Alors qu’elle semble être restée en marge des récentes manifestations pour le climat que l’on a pu observer un peu partout à travers le monde, l’Afrique demeure néanmoins le continent qui a le plus inscrit ses préoccupations environnementales dans ses conventions et Constitutions. Survol historique et défis actuels.
En Afrique, « la prise de conscience des préoccupations environnementales est perceptible dès l’accession de la plupart des États du continent à l’indépendance » au début des années 1960, estimait déjà Maurice Kamto en 1996. Le professeur, avocat et homme politique camerounais faisait ainsi référence à l’adhésion des jeunes États à des conventions existantes en matière de protection de l’environnement, et surtout à l’adoption de nouvelles conventions en la matière telle que la Convention d’Alger sur la conservation de la nature et des ressources naturelles de 1968, qui sera remplacée par la Convention de Maputo de 2003.
Dans les années qui suivirent, le programme des Nations unies pour l’Environnement (PNUE) a mis en place les programmes des mers régionales qui consistaient en une approche régionale de la lutte contre la pollution marine par la mise en place de plans d’action régionaux, dont ceux de l’Afrique de l’Est et de l’Afrique occidentale et centrale. Il a également entamé des réflexions sur les questions écologiques majeures pour le continent telles que la désertification et la pollution. Du soutien technique et financier a également été apporté aux États africains dans le cadre du processus préparatoire de la Conférence des Nations unies sur l’Environnement et le Développement (CNUED) du 3 au 14 juin 1992, qui a permis l’adoption de la Déclaration de Rio sur l’environnement et le développement et du plan d’action nommé « Action 21 ».
« Mais par-dessus tout, c’est la découverte d’un trafic de déchets dangereux entre pays industrialisés et certains pays africains en 1988, qui aura véritablement déclenché l’alerte écologique en Afrique », faisait remarquer M. Kamto dans son ouvrage Droit international de l’environnement en Afrique.
L’environnement sain vu comme un droit humain
L’une des spécificités des préoccupations environnementales africaines est sans doute qu’elles prennent souvent la forme de droits humains. Ainsi, la Charte africaine des droits de l’homme et des peuples adoptée le 27 juin 1981 à Nairobi (Kenya) – entrée en vigueur le 21 octobre 1986 – est le premier traité contraignant qui formalise explicitement le droit à un environnement sain. « Tous les peuples ont le droit à un environnement satisfaisant et global, propice à leur développement », précise son article 24.
Plusieurs autres textes juridiques continentaux ont par la suite inclus des dispositions favorables au droit à un environnement sain ou à la protection environnementale, dont la Charte africaine des droits et du bien-être de l’enfant adoptée en juillet 1990 dont l’article 11 (2) (g) prévoit que « l’éducation de l’enfant vise à susciter le respect pour l’environnement et les ressources naturelles » ; le Protocole de la Charte africaine des droits de l’homme et des peuples relatif aux droits des femmes en Afrique (aussi appelé Protocole de Maputo) de novembre 2003 dont l’article 18 (1) stipule que : « Les femmes ont le droit de vivre dans un environnement sain et viable ».
Quant à la Charte africaine de la démocratie, des élections et de la gouvernance adoptée en octobre 2011, son l’article 42 prévoit que : « [l]es États parties mettent en œuvre des politiques et stratégies de protection de l’environnement en vue du développement durable au profit des générations présentes et futures. À cet égard, les États parties sont encouragés à adhérer aux traités et autres instruments juridiques internationaux ». Sans oublier la Convention de Maputo sur la conservation de la nature et des ressources naturelles de juillet 2003 et la Convention de Bamako sur l’interdiction de l’importation en Afrique de déchets dangereux et sur le contrôle des mouvements transfrontières et la gestion des déchets produits en Afrique adoptée en 1991, pour ne nommer que celles-là.
À l’échelle individuelle, au moins 47 États africains ont inscrit dans leurs Constitutions un droit humain à un environnement sain ou des dispositions relatives à la protection environnementale, tout en adoptant des lois à teneur environnementale.
Touwendé Roland Ouédraogo Touwendé Roland Ouédraogo est candidat au doctorat en droit international à l’Université du Québec à Montréal (UQAM). Ses recherches portent sur le droit à un environnement sain en Afrique. Après avoir été assistant de recherche et auxiliaire d’enseignement, il est maintenant chargé de cours en droit, à l’UQAM et à l’Université de Montréal. |