Mauritanie: droits bafoués pour les survivantes de viol selon HRW
Dans un rapport publié le 5 septembre, l'ONG Human Rights Watch (HRW) déclare que la criminalisation des relations sexuelles hors mariage en Mauritanie met en danger les survivantes de viol.
Le rapport intitulé « Ils m’ont dit de garder le silence : Obstacles rencontrés par les survivantes d’agressions sexuelles pour obtenir justice et réparations en Mauritanie » conclut que lorsque les survivantes de violences sexuelles osent s’exprimer, la police et les autorités judiciaires ne respectent ni leurs droits, ni même leur dignité.
HRW a constaté que les procédures d’enquête ne garantissaient pas la vie privée, ni les règles de confidentialité, qu’elles offraient rarement la possibilité d’interagir avec des agents de sexe féminin et qu’elles pouvaient virer à l’enquête sur la moralité de la survivante de viol.
De nombreuses survivantes ont un accès limité ou inexistant à l’assistance juridique, aux soins médicaux et psychologiques et à l’aide sociale.
« Les femmes et les filles mauritaniennes ne devraient pas courir le risque d’être emprisonnées, ou davantage stigmatisées, du seul fait qu’elles dénoncent des abus sexuels », a déclaré Sarah Leah Whitson, directrice de la division Moyen-Orient et Afrique du Nord de l'ONG.
« Pour lutter contre les violences sexuelles, la Mauritanie devrait exiger que les forces de l’ordre et le système de santé publique cessent de traiter les victimes comme des suspectes, les soutiennent lors de leurs démarches judiciaires et de leur rétablissement, et traduisent les agresseurs en justice. »
HRW a interrogé 33 filles et femmes ayant rapporté avoir été violées, ainsi que des membres d’organisations non gouvernementales, des avocats et des responsables du gouvernement. L'organisation a constaté que les survivantes subissaient une stigmatisation sociale et des pressions familiales visant à les empêcher de rapporter le viol aux autorités.
Les survivantes risquent également d’être poursuivies si elles ne parviennent pas à prouver qu’elles n’étaient pas consentantes, d’une part parce que le code pénal actuel ne définit pas le viol ni la notion de consentement, d’autre part parce qu’il ne pénalise pas les autres formes d’agressions sexuelles.
Le code pénal punit le crime de zina, les relations sexuelles hors mariage, de flagellation, de peines de prison et, au cas où l’accusé est marié ou divorcé, de mort par lapidation. La Mauritanie n’appliquant plus les châtiments corporels, les personnes condamnées à la flagellation ou à la lapidation risquent de finir emprisonnées indéfiniment, jusqu’à ce que des juristes islamiques se prononcent sur une éventuelle commutation de peine.
La Mauritanie a récemment pris des mesures pour renforcer les lois protégeant les droits des femmes et des filles. En mars 2016, le gouvernement a approuvé un projet de loi sur les violences fondées sur le genre, qui attend toujours d’être voté au parlement. La loi définirait et punirait le viol et le harcèlement sexuel, mettrait en place des chambres criminelles spéciales pour juger les affaires de violences sexuelles et permettait aux groupes non gouvernementaux d’intenter des actions en justice au nom des survivantes.
« Ce projet de loi sur les violences fondées sur le genre est pour la Mauritanie une occasion d’inverser la tendance en harmonisant ses lois avec les droits fondamentaux des femmes et des filles », a conclu Sarah Leah Whitson. Cependant, il maintient la criminalisation des relations sexuelles consensuelles hors mariage et l’interdiction de l’avortement.
(Source: HRW)