Édito: Le pouvoir
« Il » est une arme redoutable.
« Il » pourrait être bon, généreux, raisonnable, juste… Sauf qu’« il » n’est souvent qu’abus, corruption, et égoïsme. « Il » soumet, donne l’illusion de la toute-puissance, écrase avec une force terrifiante et réduit au silence.
Très peu de choses sont équitablement partagées dans le monde. Malheureusement, les dégâts causés par le pouvoir le sont. Les exemples de l’universalité de sa puissance étouffante ont défrayé les manchettes ces derniers mois. Que ce soit dans le local de la photocopieuse d’une entreprise de communication au Canada, dans le bureau de direction d’un syndicat en France ou encore dans les couloirs obscurs d’un centre de détention pour migrants en Libye, « il » est un terreau fertile pour les violences faites aux femmes et aux jeunes filles, une de ses œuvres préférées.
Les agresser est facile, rapide, et si glorifiant pour l’ego – son double incestueux. Naturel et instinctif, oseront dire certains.
Heureusement, certains autres ont levé le poing et pointé un doigt sur « lui ». Une, puis deux, puis des dizaines d’enquêtes journalistiques – le vrai journalisme existe encore, alléluia ! – ont fait état de ses dérives. Réelles, destructrices, avilissantes.
Mais dans ce vacarme, certes nécessaire, utile et parfois confus, il est de notre responsabilité collective d’entendre le silence. Celui de ceux – surtout de celles – qui se taisent. Par pudeur, par culpabilité, par honte ou par incapacité d’accès aux projecteurs médiatiques. Les millions de victimes silencieuses de tous les continents, autant les plus vulnérables que les plus marginalisées.
Ces victimes qui regardent le bateau de l’indignation passer, avec son lot de vagues et de remous, mais dont on sait que les cliquetis d’agitation se feront de plus en plus sourds. C’est comme ça. Ça l’a toujours été. Le temps fait oublier les horreurs. Sinon, l’humanité n’aurait pas survécu à ses démons.
Le pire, c’est que le pouvoir semble indispensable. « Il » est la voie que les hommes ont choisie pour organiser au mieux leur contrat social. Mais comme tout ce qui les touche, « il » est corruptible et son abus devient trop souvent systématique.
Une fois décrite cette réalité, aujourd’hui impossible à nier, ne reste plus qu’à espérer un changement total de paradigmes, de volontés politiques et de modèle sociétal. Un nouvel idéal, en somme.
Voir se transformer le bourdonnement actuel en une réelle dynamique constructive.
Pour qu’« il » devienne « nous ».
Zora Ait El Machkouri
Rédactrice en chef
Magazine sans frontières