Dossier spécial: Les autres nouveaux joueurs influents en Afrique (2/2)
Par Jean-François Venne
La Russie n’est pas le seul pays à jouer sa partition en Afrique. D’autres États, dont la Chine et la Turquie, augmentent leur présence sur le continent, sur les plans diplomatiques, commerciaux et parfois militaires.
« La Chine a développé ses relations en Afrique à partir du début des années 1990, d’abord pour lutter contre son isolement diplomatique à la suite de la répression des manifestations de la place Tiananmen, puis pour nouer des liens économiques », explique Roland Marchal, chercheur au Centre national de la recherche scientifique (CNRS) et au Centre de recherches internationales (CERI) de Sciences Po, à Paris.
La Chine déploie peu sa puissance militaire en Afrique, bien qu’elle opère une base à Djibouti. Elle y représente toutefois le troisième plus grand fournisseur d’armement, selon l’Institut international de recherche sur la paix de Stockholm. Ses rapports commerciaux avec le continent sont solides. En 2020 déjà, 17 % des exportations africaines et 22 % de ses importations se faisaient avec la Chine, d’après la Conférence des Nations unies sur le commerce et le développement. Dans les deux cas, seule l’Union européenne la dépassait.
Au niveau financier, la Chine prête aussi beaucoup d’argent aux États africains. Depuis 2015, elle représente le plus grand créancier bilatéral de l’Afrique, loin devant les États-Unis, la France, la Banque mondiale et la Banque africaine de développement, selon les chiffres de la Banque mondiale.
L’Inde, deuxième partenaire commercial de l’Afrique après la Chine, n’arrive pas à tenir la dragée haute à son rival chinois. « On la retrouve dans plusieurs pays, surtout dans l’Est et dans le Sud, mais elle n’imprime pas autant que la Chine, précise Roland Marchal. Sa capacité d’investissement est moins grande et sa bureaucratie a tendance à compliquer les choses. Avec leur capitalisme d’État, les Chinois sont beaucoup plus pragmatiques et opportunistes. »
Les ambitions turques
La Turquie avance aussi ses pions sur le continent. « C’est le pays émergent qui a le mieux réussi en Afrique », estime Roland Marchal.
Depuis son accession au pouvoir, le président Erdoğan est le dirigeant non africain qui y a visité le plus d’États, soit 30. Le nombre d’ambassades africaines à Ankara est passé de 10 à 37 entre 2008 et 2021 et la Turquie en possède une dans 43 pays africains, contre 12 il y a 20 ans. Sans compter plus de 45 chambres de commerce bilatérales. Le gouvernement turc a aussi subventionné l’ouverture de liaisons aériennes par Turkish Airlines vers plusieurs villes africaines et financé de l’aide humanitaire, des projets de coopération et des écoles.