Environnement: Dakar émerge dans le cycle des solutions
9e Forum mondial de l’eau
Par Hélène Boucher
L’accès à l’eau potable est encore un mirage pour plusieurs, malgré l’Objectif de développement durable (ODD) 6 inscrit à l’agenda 2030 des Nations unies. En 2019, l’Organisation mondiale de la santé et l’UNICEF estimaient que 30 % de la population mondiale n’y avait pas accès. Plusieurs mettent ce déficit sur le dos d’une incompatibilité entre les interventions et les politiques publiques dont découle un manque d’investissements financiers. S’y ajoutent changements climatiques et conflits territoriaux. C’est dans ce contexte que le Sénégal a accueilli à la fin mars le 9e Forum mondial de l’eau, coorganisé par le Conseil mondial de l’eau et l’État sénégalais. Le secrétaire exécutif et coprésident du comité préparatoire de l’événement, Abdoulaye Sène, en a discuté avec Sans Frontières.
Cinq jours de débats, de classes de maîtres et d’activités de réseautage pour les membres du milieu de la diplomatie de l’eau et de la coopération internationale. Aux premières loges, Loïc Fauchon, président du Conseil mondial de l’eau, coorganisateur du Forum mondial avec l’État du Sénégal, avec lequel il entretient des liens d’amitié. D’ailleurs, il a profité de l’occasion de rapporter un manuscrit du poète Léopold Sédar Senghor retrouvé en France. Du 21 au 25 mars, la cité ministérielle de Diamniadio, à une trentaine de kilomètres de Dakar, a vu se succéder des chefs d’État du continent africain, des ONG dédiées à la coopération par l’accès à l’eau et des représentants de la société civile, rouage déterminant dans l’adéquation entre les projets et les besoins des populations. Des milliers de participants ayant en commun « la sécurité de l’eau pour la paix et le développement », thème de cet événement d’envergure qui tenait sa première édition en Afrique subsaharienne depuis sa création en 1997.
L’ingénieur hydraulicien Abdoulaye Sène, qui tient à se présenter comme un « ancien de Polytechnique Montréal », a été nommé secrétaire exécutif et coprésident du comité préparatoire du Forum par les plus hautes instances politiques de son pays. En trois ans d’engagement, il a contribué aux réflexions menées par plus de 700 individus au Sénégal en participant au recensement des problèmes et de leurs potentielles solutions, surtout dans les régions rurales aux prises avec des défis particuliers.
Il faut savoir que le Sénégal souhaite se positionner parmi les pays modèles en accès à l’eau. En 2018, le ministère de l’Hydraulique et de l’Assainissement enregistrait une note presque parfaite. Un taux d’accès global à l’eau potable en zone urbaine de 98,8 % et de 91 % dans ses communes rurales. « Le Sénégal a compris tôt l’importance de l’eau dans ses programmes de développement économique et social, par exemple, par la dimension de l’abreuvement des cheptels et le développement agricole pour une autosuffisance alimentaire », relate celui qui se souvient de la sécheresse dont a souffert le pays ouest-africain dans les années 1970.
Ces statistiques procurent un sentiment de satisfaction et de fierté des autorités nationales, conscientes du problème critique d’accès à l’eau sur le continent africain, poursuit l’ingénieur. « Ce Forum mondial de l’eau nous rappelle l’urgence de replacer l’eau dans les agendas politiques afin de parvenir à une coconstruction. Sans eau, il n’y a pas de santé, pas d’alimentation, ni économie… »
Face à l’ampleur du chantier, d’ici les huit prochaines années – afin d’atteindre les objectifs de l’agenda 2030 –, Abdoulaye Sène clame haut et fort le besoin d’une transformation, voire d’une révolution. Selon lui, dans l’immédiat à l’échelle mondiale, il faut d’abord agir à tous les niveaux, du geste individuel jusqu’au mouvement collectif. « Tout foyer qui bénéficie par sa géographie d’une abondance en eau doit, dès maintenant, changer son mode de consommation pour un usage modéré. Il y va de la solidarité envers son prochain », invoque-t-il, ajoutant que de nouvelles infrastructures et une amélioration dans la distribution sont aussi requises.