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(Photo: Unspash / Marjan )

Éditorial: De la nécessité de l'information internationale

Par Zora Ait El Machkouri

Après plus de 100 jours de guerre, le conflit en Ukraine s’enlise malgré l’envoi d’armes sur le territoire par les pays membres de l’OTAN. À Severodonetsk, dans le Donbass, les forces russes crient déjà victoire, alors que les Ukrainiens vantent leur résistance solide. Pour réellement savoir ce qu’il en est, rien de mieux que de l’information fiable et vérifiée.

Depuis le début du conflit, de nombreux reporters se sont rendus sur place, du moins ceux dont la rédaction a les moyens. Beaucoup de journalistes pigistes et des photographes, souvent jeunes, se sont également envolés pour l’Ukraine ou les pays limitrophes afin de proposer ensuite le fruit de leur travail aux rédactions qui ne peuvent pas envoyer des gens sur place. D’ailleurs, nous vous présentons dans ce 50ème numéro un photoreportage de Matteo Placucci et de son collègue Mattia Tundo, en Ukraine et en Moldavie.

En publiant les histoires fiables et vérifiées rapportées par ces soldats de l’information, nous pouvons espérer échapper à la propagande, de part et d’autre.

Certains d’entre eux en ont payé de leur vie. Dont Frédéric Leclerc-Imhoff, journaliste reporter d’images pour la chaîne française BFMTV, mort dans l’explosion d’un obus le 30 mai. Le vidéaste de 32 ans souhaitait raconter l’évacuation des civils près de Lyssytchansk, une ville située dans l’est de l’Ukraine et occupée par les forces russes. Le journaliste qui l’accompagnait, Maxime Brandstaetter, a été légèrement blessé, et leur fixeuse ukrainienne Oksana Leuta s’en est sortie indemne. Dans une entrevue à BFMTV par la suite, Maxime Brandstaetter a déclaré avoir la conviction que ce tir était délibéré, car le camion qu’ils suivaient en voiture était clairement identifié comme un convoi humanitaire.

Dans un autre coin chaud du globe, la Cisjordanie, Shireen Abu Akleh, une journaliste américano-palestinienne respectée de la chaîne qatarie Al Jazeera, a aussi été tuée le 11 mai alors qu’elle couvrait un raid israélien près du camp de réfugiés de Jénine. L’Autorité palestinienne et la chaîne d’information accusent Israël de l’avoir visée délibérément malgré l’identification « PRESS » sur son gilet pare-balles.

Là aussi, sans journalistes sur place, nous devrions nous contenter de relayer la propagande des parties en conflit. Malheureusement, selon Reporters sans frontières, ce sont déjà 31 professionnels des médias qui ont été tués dans l’exercice de leurs fonctions depuis le début de l’année.

Un traitement médiatique inéquitable

Si l’information internationale est nécessaire, voire vitale, à notre compréhension du monde, encore faut-il qu’elle soit équitable pour tous les protagonistes au cœur de l’actualité, quelles que soient leur origine ou la partie du monde dans laquelle ils vivent.

Or, il arrive que des conflits occidentalo-centrés canalisent davantage d’attention que les conflits dans les pays du Sud. D’aucuns répondront que c’est la fameuse loi cynique et égoïste du « mort kilométrique » ou loi de proximité. C’était peut-être vrai il y a des décennies, mais dans un monde globalisé comme le nôtre — la pandémie nous l’a bien fait comprendre, de même que la crise climatique —, les producteurs d’information internationale ne peuvent plus fermer les yeux sur une partie du globe et les ouvrir seulement quand le prix de l’essence augmente à la pompe ou quand les rayons de pâtes se vident dans les supermarchés du Nord.

C’est leur responsabilité de couvrir l’ensemble de la planète et non pas seulement sa partie occidentale. Les rédactions se doivent donc d’être plus équitables aujourd’hui dans les sujets qu’elles traitent, ainsi que dans la manière de les couvrir.

Le déclenchement de la guerre en Ukraine nous l’a tristement rappelé. Alors que des milliers de réfugiés ukrainiens s’agglutinaient aux frontières, ceux-ci étaient accueillis à bras ouverts par les médias et les pays européens, et plus largement occidentaux, contrairement aux Afghans qui, quelques mois plus tôt, fuyaient leur pays tombé aux mains des talibans. Ceux-ci n’étaient certainement pas du bon côté de la planète. Oserions-nous dire qu’ils n’avaient pas la bonne couleur de peau ?

« Un ouragan de famines »

La solidarité à deux vitesses est aussi une question de traitement. Nos médias, Sans Frontières y compris, devraient davantage couvrir, informer sur les conséquences funestes de la guerre en Ukraine. Nous ne parlons pas ici du prix de l’essence à Lyon ou à Montréal, mais des dizaines de pays africains vont connaître la faim sans le blé russe et ukrainien.

Le 6 juin, le président ukrainien Volodymyr Zelensky alertait en effet qu’« actuellement, entre 20 et 25 millions de tonnes de céréales sont bloquées et [que] cet automne, ce chiffre pourrait augmenter à 70 ou 75 millions de tonnes ». L’ONU craint même « un ouragan de famines », essentiellement dans des pays africains qui importaient plus de la moitié de leur blé d’Ukraine ou de Russie.

La Russie et l’Ukraine assurent à elles deux 30 % des exportations mondiales de blé, et représentent, selon l’ONU, 80 % des importations de blé de l’Algérie, de l’Égypte, de la Libye, du Maroc, de la Tunisie, du Nigeria, de l’Éthiopie, du Soudan et de l’Afrique du Sud.

Rappelons que, début mai, la directrice du bureau Afrique du Programme des Nations unies pour le développement, Ahunna Eziakonwa, a déclaré que la pandémie de COVID-19 a déjà créé un « immense mécontentement » sur ce continent. La crise sanitaire a plongé des dizaines de millions de personnes dans la pauvreté et « fait reculer » la démocratie dans certaines parties d’Afrique, selon elle.

L’UNICEF a quant à elle averti, dans un rapport publié le 17 mai, que les effets conjugués des chocs mondiaux qui mettent à mal la sécurité alimentaire — la guerre en Ukraine, les conséquences économiques de la pandémie et la sécheresse — sont en train de créer les conditions propices à une hausse significative des taux d’émaciation sévère à travers le monde. L’émaciation est caractérisée par une maigreur extrême de l’enfant par rapport à sa taille, en raison d’un affaiblissement du système immunitaire. Elle est la forme de malnutrition la plus immédiate, la plus visible et la plus mortelle, rappelle l’organisme.

C’est aussi ça, la guerre en Ukraine.

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