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(Crédit Photo : SOS Méditerranée)

Édito: Solidarité versus populisme

Au moment d’écrire ces lignes, le navire humanitaire Aquarius, avec à son bord 629 migrants africains, vient de se voir refuser le droit d’accoster en Italie et à Malte. Il a dû rester immobilisé deux jours en mer, avec une quantité limitée de vivres et une population vulnérable bloquée à son bord.

Parmi les passagers du bateau affrété par l’ONG française SOS Méditerranée, 123 mineurs isolés, 11 enfants en bas âge et 7 femmes enceintes. À 28 milles nautiques de Malte et 32 des côtes siciliennes, tous sont pris en otage par l’insensibilité populiste italienne, ainsi que par l’hypocrisie maltaise. Le petit État insulaire prétexte que les secours ont été coordonnés à Rome.

Quant à l’interdiction d’accoster en Italie, une décision du nouveau ministre de l’Intérieur Matteo Salvini, elle n’est somme toute pas surprenante. À peine élu, le dirigeant du parti identitaire d’extrême droite La Ligue du Nord demandait déjà aux migrants présents dans la péninsule de « faire leurs valises ». Cela donne une idée du personnage.

Condamnable à bien des égards, la sentence italienne infligée à l’Aquarius aurait pu être un acte isolé et déplorable. Or, rapidement diffusée et relayée sur les réseaux sociaux, elle a été applaudie par de nombreux internautes qui ont donné naissance au mot-clé #chiudiamoiporti, soit #fermonslesports. L’extrême droite française a également salué unanimement la décision italienne. « Il faut qu’ils retournent d’où ils viennent », a tweeté Marine Le Pen à propos des passagers migrants.

Nous voilà loin de la définition de la solidarité de Victor Hugo, celle qui sommait « de ne point admettre d’exclusion ». Dans ce cas, celle de 629 migrants africains dont le seul crime a été de ne pas naître au bon endroit.

L’incident maritime a tout de même suscité des indignations de par le monde, dont celle du Haut Commissariat de l’ONU pour les réfugiés qui a appelé le 11 juin Malte et l’Italie à débloquer la situation, qu’il a qualifiée d’« impératif humanitaire urgent ».

La France, où est basée l’ONG SOS Méditerranée, a attendu deux jours avant de réagir, mais le président Emmanuel Macron a fini par dénoncer en Conseil des ministres la « part de cynisme et d’irresponsabilité du gouvernement italien », selon son porte-parole. Car l’Italie est en pleine violation du droit de l’Union européenne. Le Traité de l’UE oblige en effet à « respecter le principe de non-refoulement » pour « tout ressortissant d’un pays tiers nécessitant une protection internationale ». Malte est donc également en faute.

Nous assistons clairement ici aux conséquences d’une politique du laisser-faire alors que des vies humaines sont en jeu. La prise de position du ministre Salvini est sans conteste irresponsable, sauf que son pays a vu près de 700 000 migrants débarquer sur ses côtes depuis 2013. En cinq ans, l’Italie a régulièrement dénoncé la politique hésitante de l’Europe face à la crise migratoire, mais le statu quo est devenu terreau fertile pour le populisme et le repli identitaire.

Finalement, c’est l’Espagne qui permettra à l’Aquarius d’accoster à son port de Valence. Les passagers du navire s’ajouteront ainsi aux quelque 30 000 personnes qui ont été secourues par les ONG en Méditerranée en deux ans.

Depuis quatre ans, près de 15 000 hommes, femmes et enfants sont morts noyés en tentant de traverser cette mer intercontinentale à bord d’embarcations de fortune. En septembre 2015, la mort du petit Aylan — un Syrien de 3 ans échoué sur une plage turque — a bouleversé le monde entier, qui annonçait alors à l’unisson : « Plus jamais ça ! ».

À quand un semblable sursaut d’humanité qui amènerait à refuser de demeurer les bras croisés devant le gigantesque cimetière qu’est devenue la Méditerranée, où s’engloutit peu à peu ce qui reste de solidarité internationale ?

Zora Ait El Machkouri 
Rédactrice en chef 
Magazine sans frontières 

 

Dans la catégorie Numéro 38 (Juin-Août 2018)

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