Solidarité: Les migrants entre l'impasse et la répression
France
Les migrants entre l’impasse et la répression
Par Arnaud Bébien
La situation des migrants en France, dont ceux originaires du continent africain, préoccupe plusieurs ONG. Au point où une trentaine d’entre elles ont lancé une pétition à la mi-mai pour dénoncer leurs conditions de vie dans les campements parisiens. La future législation Asile et Immigration — qui encadrera plus fermement l’obtention du statut de réfugié dans l’Hexagone — ne fait rien pour apaiser leurs inquiétudes.
À la fin mai, la prouesse d’un sans-papier malien nommé Mamoudou Gassama a enflammé les médias français et internationaux en quelques heures. Le jeune homme de 22 ans a escaladé la façade d’un immeuble parisien pour sauver la vie d’un enfant de quatre ans malencontreusement pendu à un balcon. La scène, filmée par un passant, a fait de lui un héros national reçu en tant que tel par le président Emmanuel Macron. Avec à la clé une proposition pour obtenir la nationalité française et se bâtir un avenir dans l’Hexagone, peut-être chez les sapeurs-pompiers.
La beauté d’un geste, relayée par une enflure médiatique, a donc sorti un réfugié de l’impasse en France. « L’histoire de Mamoudou Gassama est un conte de fées qui cache mal une gestion des migrants à bien des égards critiquable », met toutefois en garde le chroniqueur et ancien diplomate sénégalais Hamidou Anne dans un texte publié le 29 mai par Le Monde Afrique. « Elle ne doit pas occulter la réalité des milliers de Maliens qui vivent un enfer dans leur quête d’une vie décente que leur pays ne leur offre pas. Sans le vouloir, Mamoudou Gassama donne une leçon de vie à son bienfaiteur en lui rappelant que les migrants que son gouvernement déshumanise au quotidien ne sont pas des statistiques, mais des personnes qui, en fuyant divers drames dont la pauvreté, sont capables de grandeur. »
Le parcours de M. Gassama illustre à bien des égards la vie de ceux et celles qui choisissent l’exil européen. Parti du Mali, il est arrivé en France après être passé par la Libye et ses geôles, avant la traversée de la Méditerranée. Puis en Italie, il lui a fallu essayer de traverser la frontière par les Alpes, affrontant la météo hostile et une course-poursuite avec la police. Ce parcours chaotique est celui de centaines d’autres qui n’ont pas toujours la chance d’en sortir vivant. Fin mai par exemple, la presse italienne a d’ailleurs fait état d’un troisième décès de migrant en quelques jours. Le quotidien La Repubblica a rapporté que le corps « d’un homme à la peau sombre » a été retrouvé près d’un torrent, non loin de la ville alpine de Bardonecchia.
Par ailleurs, toujours près de la frontière italienne, à Vintimille, sur les bords de la Méditerranée, la police française, elle, aurait des pratiques qui viseraient à contenir le flux de migrants en provenance d’Italie. C’est ce que sept associations italiennes ont dénoncé, le 9 avril, dans une lettre à la Commission européenne et au ministre italien de l’Intérieur. La police française y est accusée d’avoir falsifié l’acte de naissance de migrants mineurs isolés afin de les faire passer pour des majeurs et pouvoir ainsi les renvoyer en Italie. « Nous avons vu deux mineurs que nous connaissions interpellés à la frontière franco-italienne. Nous avons vu les policiers modifier la date de naissance sur le document ‘refus d’entrée sur le territoire’ », a déclaré au quotidien anglais The Guardian Daniela Ziterosa, juriste pour l’ONG italienne Intersos, active auprès des migrants.