Urgence: #MeToo au sein des ONG
#MeToo au sein des ONG
L’omerta entretenue par les hiérarchies
Par Zora Ait El Machkouri
La révélation des cas d’inconduites sexuelles au sein d’Oxfam Grande-Bretagne en Haïti qui a ébranlé la sphère — censée être irréprochable — de l’humanitaire et de la coopération internationale en février dernier continue de faire des vagues à travers le monde. Sans Frontières, qui en a fait le dossier spécial de son dernier numéro, poursuit sa couverture de ce qui est devenu un enjeu de crédibilité pour les ONG.
En avril, l’humanitaire de renom et fondateur de l’ONG canadienne Street Kids International Peter Dalglish a été arrêté dans sa villa népalaise, alors qu’il était compagnie de deux jeunes de 12 et 14 ans. Accusé d’agression sexuelle sur des enfants, l’homme de 60 ans risque une peine d’emprisonnement de 13 ans. Un « fait divers » qui s’ajoute à la triste liste des accusations d’inconduites sexuelles dans le monde humanitaire, médiatisées depuis que journal britannique The Times a rapporté que des dirigeants d’Oxfam GB avaient eu recours à des prostituées et abusé sexuellement de mineures en Haïti à la suite du séisme de 2010.
Dans le cas de Peter Dalglish, la gravité des accusations est frappante, et proportionnelle à la renommée de l’accusé. Au milieu des années 1980, le sexagénaire travaillait pour les Nations unies au Soudan, où il a créé une école pour les enfants de la rue. L’ONG qui en est née, Street Kids International, a fusionné avec Save the Children en 2015. Ancien représentant canadien du Programme des Nations unies pour les établissements humains en Afghanistan et membre fondateur d’Ashoka Canada, l’accusé est aussi lauréat de trois doctorats honorifiques et du Weldon Award for Unselfish Public Service de l’École de droit de l’université canadienne Dalhousie, en Nouvelle-Écosse. Il a même reçu la médaille de l’Ordre du Canada en 1996.
Ainsi, il officiait depuis des décennies dans le secteur humanitaire. Une question demeure donc : depuis quand avait-il ce genre de comportements ? Combien d’enfants a-t-il approchés de la sorte ? Ses supérieurs hiérarchiques ont-ils fermé les yeux ?
C’est qu’une constante se dégage de plus en plus des témoignages de victimes d’agressions au sein des grandes ONG humanitaires : la haute direction couvre presque systématiquement les abus.