Environnement:Guerre d'ONG au Cameroun sur fond de forêts ancestrales
Le torchon brûle depuis plus de 25 ans entre les ONG Survival International et le Fonds mondial pour la nature – mieux connu sous son acronyme anglophone WWF –concernant le Cameroun. Mais les évènements se sont accélérés en 2016, lorsque Survival a déposé une plainte contre le WWF à l’Organisation de coopération et de développement économique (OCDE). Celle-ci a été validée en décembre, déclenchant le tout premier examen des activités d’une organisation de protection de la nature au moyen d’une procédure généralement réservée aux entreprises multinationales.
Par Nelly Guidici
« [Cette organisation] a non seulement outrepassé la Déclaration des Nations unies sur les droits des peuples autochtones et les principes directeurs de l’OCDE concernant les droits humains, mais également sa propre politique concernant les peuples indigènes », déclare Stephen Corry, directeur de Survival au sujet du WWF.
Les désaccords entre les deux ONG au sujet du Cameroun ont débuté en 1991, alors que Survival International, qui défend les droits des peuples autochtones, a pour la première fois demandé au WWF de changer son approche. L’année précédente, l’ONG de conservation a en effet contribué à l’instauration d’un moratoire international sur le commerce de l’ivoire, sans faire des Baka – un peuple pygmée local – des parties prenantes du processus.
Quelques années plus tard, entre 2001 et 2005, les parcs nationaux de Lobéké, Nki et Boumba Bek ont été créés dans le sud-est du pays à la suite d’une collaboration étroite entre WWF et le gouvernement camerounais. Encore une fois, la population Baka n’a été ni conviée au processus ni informée des décisions menant à leur création. De ce fait, ils ont été expulsés de leurs terres et forêts ancestrales.
Des vigiles armés baptisés écogardes assurent la surveillance de ces parcs nationaux, contre les braconniers. Selon Survival, autant les écogardes que les soldats du Bataillon d’intervention rapide (BIR), qui font partie des forces armées camerounaises, se sont attaqués à des membres des Baka. L’ONG a documenté une trentaine de cas de violences corporelles et de destruction de campements en forêt commises entre 2001 et 2014, et elle estime que les exactions continuent depuis.
C’est pourquoi le service juridique de l’organisation basée à Londres a décidé de déposer une plainte de 228 pages au bureau du point de contact national suisse de l’OCDE en février 2016. Le pays de dépôt de la plainte correspond à l’emplacement du siège de WWF International, car le Cameroun n’est pas l’un des 35 membres de l’OCDE. Les principes directeurs de cette dernière offrent une des très rares possibilités de demander des comptes aux entreprises multinationales qui ne respecteraient pas les droits des communautés concernées par leurs projets. Quelque 67 % des revenus du WWF provenant de subventions de gouvernements, de fondations et d’entreprises de partout dans le monde, il est considéré comme une ONG à dimension multinationale.