Dossier spécial: Quand l'Afrique lorgne la Lune
Charles-Éric Blais-Poulin
Alors qu’une fondation fait le pari de propulser le premier convoi africain sur le sol lunaire, des ONG et gouvernements misent plutôt sur le développement de satellites pour affronter les défis environnementaux, sociaux et sanitaires qui mobilisent le continent. Les Africains peuvent-ils décrocher les étoiles tout en restant les deux pieds sur terre? État des lieux, à des lieues de la Terre.
Pour les Africains, atteindre la Lune n’est pas qu’une lubie, encore moins un caprice, plaide la Foundation for Space Development. L’organisation non gouvernementale et sa brochette d’experts, sis depuis 2009 au Cap, en Afrique du Sud, ont pour mandat « de sensibiliser à l’éducation et aux recherches spatiales ».
Plus récemment, la fondation a lancé l’initiative Africa2Moon (De l’Afrique à la Lune, en français). L’objectif est clair, et fait office de moteur pour les jeunes cerveaux intéressés par l’aventure spatiale sur le continent : propulser une fusée et un équipage africain là même où l’équipage américain d’Apollo 11 a posé les pieds il y a bientôt 50 ans.
« L’Afrique est le continent le plus jeune du monde, affirme d’emblée Jonathan Weltman, directeur principal de la Foundation for Space Development, à Sans Frontières. Nos jeunes talents méritent d’avoir la possibilité de travailler et de prospérer en Afrique, notamment dans l’industrie spatiale. Des projets comme Africa2Moon sont la clé du futur. »
La première phase du projet, qui a pris fin le 30 novembre dernier, visait à promouvoir les capacités scientifiques de l’Afrique auprès du public, du milieu universitaire et des experts en aéronautique des cinq continents. L’équipe de la fondation a aussi récolté des idées offertes gracieusement par des spécialistes étrangers, qui ont jeté les bases d’une étude de faisabilité. Les grandes lignes de celle-ci seront présentées plus tard cette année.
« On est très satisfaits, assure M. Weltman. On a reçu un soutien incroyable partout dans le monde. Plusieurs agences et entreprises spatiales se sont montrées intéressées au projet, et on est conscient qu’elles joueront un rôle important pour qu’il se concrétise. »
Et l’argent, dans cette Afrique subsaharienne où 43 % de la population — environ 388 millions d’habitants — vivent dans l’extrême pauvreté (avec moins de 1,25$ par jour)? Jonathan Weltman répond ainsi aux critiques sur les ressources pécuniaires soi-disant dilapidées dans une aventure lunaire : « Si l’on admet que l’avenir à long terme de l’Afrique est aussi important que la gestion des crises à courte vue, ça devient facile de comprendre notre initiative, et de reconnaître à quel point il peut être bénéfique au regard du faible coût. »