Éditorial : Relativisons
Zora Ait El Machkouri
La COP21 s’est achevée sur un accord, dit-on, historique. Enfin, historique selon les organisateurs et les participants, parce que, concrètement, l’humanité vit sur du temps emprunté depuis que l’industrialisation à outrance s’est taillée une place de choix dans l’échelle de valeurs de la société occidentale. Les conférences climat vont se succéder et se ressembler et les pays du Nord vont garder le même train de vie, NOUS allons garder le même train de vie.
Soyons honnêtes, tant que notre seule préoccupation climatique se résumera grossièrement à se plaindre qu’« un Noël sans neige, c’est dommage!», nos enfants ont du souci à se faire.
L’accord conclu à Paris devrait entrer en vigueur en 2020, mais seulement s’il est ratifié à partir du 22 avril 2016 par « au moins 55 pays » représentant « au moins 55 % » des émissions mondiales de gaz à effet de serre. Il implique une réorientation de l’économie mondiale telle que nous la connaissons aujourd’hui pour laisser place aux énergies renouvelables, en vue de limiter la hausse des températures mondiales à 1,5 degré Celsius au-dessus de la moyenne d’avant 1850. Moins de charbon, moins de gaz naturel, moins de pétrole.
En gros, pour éviter de rentrer dans le mur en 2050, il faudrait que nous changions en 30 ans radicalement nos comportements. Changer de mentalité en 30 ans, qui peut croire à cela?
Comme le soulignait l’expert en droit du climat Matthieu Wemaëre dans le journal français Le Monde, du point de vue du droit international, « l’accord n’est pas à strictement parler contraignant dans la mesure où il ne prévoit pas de mécanisme coercitif ou de sanction pour les pays qui ne respecteraient pas leurs engagements ».
L’accord se base ainsi sur la bonne foi des États qui s’engagent à agir. Sinon... Sinon rien. Aucune sanction, aucune pénalité, aucun embargo.
Le problème est que les pays du Sud vivent déjà des répercussions tangibles du changement climatique. Beaucoup plus concrètement que nous. Inondations, sécheresse, vagues de chaleur, pluies torrentielles et autres phénomènes catastrophiques font déjà des victimes au Sahel ou en Asie du Sud-Est.
Le texte parisien contient certes un engagement des pays développés à octroyer 10 milliards de dollars d’ici 2020 en faveur du développement des énergies vertes en Afrique. Mais serait-ce suffisant, sachant que d’ici 2050, la population de l’Afrique devrait avoir doublée?
2050 est à nos portes, et il n’est pas alarmiste de dire que les prochains mouvements majeurs de population seront dus au climat.
La frange de l’opinion publique française et canadienne qui s’insurge actuellement contre l’arrivée de quelques milliers de migrants syriens fuyant les horreurs de la guerre sera alors bien surprise de voir beaucoup plus de réfugiés climatiques débarquer chez eux pour survivre.