Écologie: Lions d'Afrique. Le Roi se meurt.
Thibaut Gruel
La mort du lion Cecil, tué en juillet dernier au Zimbabwe par le dentiste américain Walter Palmer a indigné l’opinion publique mondiale. En plus de déclencher un débat sur la chasse aux grands animaux exotiques, l’incident a permis de braquer les projecteurs sur le danger d’extinction qui guette le roi des animaux en Afrique. Selon l’International Fund of Animal Welfare (IFAW), il ne resterait plus que 30 000 lions sur le continent.
« Un lion ne meurt jamais », dit le proverbe camerounais. Pourtant cet animal, symbole prestigieux de la faune africaine, est en voie d’extinction. L’IFAW estime que le nombre de lions est passé de 100 000 à 30 000 au cours des trois dernières décennies, et qu’il ne reste plus que 500 de ces grands félins en Afrique de l’Ouest.
Le braconnage et la chasse comptent certes parmi les causes de cette disparition progressive, mais d’autres facteurs entrent encore plus fortement en ligne de compte.
Entre autres, le fait que plus de 75 % de la savane africaine – l’écosystème qui abrite les lions – a disparu, si l’on se fie aux conclusions d’une étude de l’Université Duke, aux États-Unis publiée en décembre 2012 sous le titre The size of savannah Africa; a lion’s view. Cette forte réduction est principalement liée à l’explosion démographique du continent, surtout en Afrique de l’Ouest, au cours des 30 dernières années. La population de cette région a doublé durant cette période, ce qui a provoqué une grande demande d’espace pour se loger et se nourrir.
Selon l’un des chercheurs de cette université de Caroline du Nord, Stuart Pimm, « la réalité de la savane aujourd’hui est le défrichement et l’exploitation intensive des sols pour l’agriculture; le résultat de la rapide croissance démographique donne des espaces fragmentés et dégradés pour cet écosystème qui tente de survivre ». L’étude répertorie 67 zones de savane encore « vivables » pour les lions, mais la plupart d’entre elles se trouvent dans des réserves naturelles protégées déjà occupées par ce félidé, comme celle comprenant le Parc national de la Pendjari au nord-ouest du Bénin ou encore la réserve de Fathala au Sénégal.
Les réseaux routiers qui se multiplient dans la savane posent également problème, car ils découpent les secteurs réservés à la faune sauvage. Cependant, certains États prennent la mesure de l’importance de la sauvegarde de cet écosystème unique et agissent en ce sens. Le gouvernement tanzanien en 2011 a, par exemple, bloqué la construction d’un segment d’autoroute de plus de 50 kilomètres qui devait couper le Parc national du Serengeti en deux afin de relier le lac Victoria à la côte qui borde l’océan Indien. « Le gouvernement tanzanien a pris la mesure de ce chantier qui aurait cloisonné les lions dans des territoires de moindre importance et déréglé un des plus larges systèmes migratoires de la planète, un système dont profite largement le tourisme tanzanien », note le chercheur Stuart Pimm.